Le billet du mois

Mon frère,

“« Quand est-ce que finit la nuit et commence le jour ? », demanda un rabbin à un fidèle. Celui-ci chercha pour donner la bonne réponse : « Peut-être quand on voit le premier rayon de soleil ? Ou quand on peut distinguer un homme d’un arbre ? » « Non », lui répondit le vieux rabbin, « le jour commence quand on sait voir dans le visage d’autrui son frère et sa sœur »”.

Tous ces derniers jours, les mots de fraternité, de rencontre, d’accueil, d’hospitalité, nous ont été donnés à entendre. Avouons que cela nous a fait du bien. Alors qu’en ce mois de septembre nous avons été inondés de nouvelles sombres, oui, ces mots nous font du bien. Ils rallument en nous — si c’était nécessaire – la flamme de l’espérance. Tout n’est pas noir, tout n’est pas catastrophique. La fraternité est encore possible.

Ces mots résonnent aussi comme un appel. Ils nous obligent. Le Pape François parlait d’“un devoir d’humanité”, d’“un devoir de civilisation”. Comme le disait le vieux rabbin, apprendre à voir dans le visage d’autrui un frère et une sœur. Et, oser la rencontre avec lui, avec elle, exigeante rencontre de l’autre qui bouscule, déplace, désinstalle. Nous sommes chacun un étranger, étrange, pour l’autre. Il faut s’apprivoiser les uns les autres. La rencontre est un risque à courir.

Alors que faire maintenant pour que le jour commence, pour que la lumière l’emporte sur la nuit, pour que grandisse la fraternité ? Il n’y a pas de bonne réponse, de réponse toute faite, simple, facile, confortable. La réponse est à apporter par chacun. Et est à redonner chaque matin, à réinventer sans cesse. Car sur le chemin de la fraternité, nous sommes toujours tous en marche, en état de sortie permanente, pour aller à la rencontre de l’autre, et nous laisser rencontrer par lui, pour pratiquer l’hospitalité mutuelle, et pour que tout autre devienne pour moi mon frère, ma sœur.

Sr Mireille, abbesse.